Diabète MODY 2 et grossesse : mon histoire (2e partie)

Si vous arrivez directement sur cette page, lisez d’abord la 1re partie de mon témoignage !

5e mois de grossesse : un bébé en hyperglycémie

Une échographie de mon petit garçon réalisée à 18 semaines d’aménorrhée semble indiquer qu’il n’est pas porteur du MODY 2. Son poids est en effet pile au milieu de la courbe. Celui-ci serait a priori plus bas s’il avait hérité du gène muté. Mais à ce stade, on ne peut pas être catégorique sur le diagnostic.  

Je sors de cette écho soulagée : mon bébé se développe normalement, malgré le traitement antiépileptique et mon hyperglycémie. Pour fêter ça, je m’offrirais presque un millefeuille tiens ! Bon, je me contente d’une mini-salade de fruits sans jus…

Quatre semaines plus tard, nouvelle échographie, et là, il n’y a plus aucun doute : mon fils n’est pas diabétique. Il est en effet passé du 53e au 85e percentile de croissance ! Si ça continue comme ça, il va exploser la courbe. Il est donc temps de serrer la vis au niveau du régime…

6e mois de grossesse : quand la maladie tourne à l’obsession 

Des glycémies qui perdent toute cohérence

Le problème, c’est qu’au début du sixième mois, je remarque que mes glycémies ont tendance à monter, surtout après les repas. Un exemple flagrant : le petit-déjeuner. Je prenais jusqu’alors cinq tranches de pain complet (oui, je sais que c’est beaucoup, mais j’obtenais toujours une valeur inférieure à 1,20 g/L en postprandial). Je dois passer à trois tranches, puis à deux pour obtenir des valeurs acceptables. 

À la fin du deuxième trimestre de grossesse, les mesures de ma glycémie commencent à perdre toute cohérence. Le taux de glucose sanguin monte parfois à 1,15 g/L en préprandial, alors que je n’ai rien changé à ma façon de m’alimenter. La glycémie postprandiale du soir (soit deux heures après le début du dîner) part elle aussi parfois en vrille, malgré, une fois encore, un régime dont je ne m’écarte pas du tout (ou si peu !)… 

« Je me trouve à un moment charnière. »

L’endocrinologue me prévient que je me trouve à un moment charnière : à l’entrée du dernier trimestre, les hormones de grossesse favorisent l’hyperglycémie. Autrement dit, diabète MODY 2 et grossesse ne font vraiment plus bon ménage. De plus, ce type de diabète est « assez difficile à équilibrer », pour reprendre les mots du médecin. Cette dernière me rassure, me dit que mes glycémies sont vraiment pas mal du tout, mais je ne tiens absolument pas compte de ses propos ! Car moi qui me juge plus forte que tout le monde, plus forte même que les hormones de grossesse, je crois dur comme fer que je vais les dompter ces p***** de glycémie !  

Un fœtus qui grossit trop vite

Sauf que non, je n’y arrive pas… Bientôt, une nouvelle échographie montre que le bébé grossit trop vite. Sa croissance globale atteint le 93e percentile, signe qu’il subit mon hyperglycémie en stockant tout le sucre que je lui envoie… 

Bref, cette histoire de MODY vient, avec mon épilepsie, plomber ma grossesse et commence doucement à m’énerver. Je culpabilise énormément, j’imagine mon bébé devenir obèse et être en mauvaise santé, par ma faute. Je me sens démunie, sans solution, au moment même où il faut que mes résultats s’améliorent. Je dois d’ailleurs renforcer les contrôles : je mesure désormais mes glycémies six fois par jour et non plus neuf fois par semaine. 

L’endocrinologue continue de me rassurer, me répète que je fais du bon boulot et qu’il faut garder en tête que les hormones de grossesse accentuent l’hyperglycémie. Elle m’impose alors ce que je crois être le remède miracle : l’insuline. Je commence le traitement le premier jour du troisième trimestre de grossesse. La logique est simple : l’insuline permettant de stocker dans l’organisme le sucre qui est en excès dans le sang, mes glycémies vont redescendre illico dès que je vais commencer les injections ! Cerise sur le gâteau : je peux à nouveau manger des aliments interdits, comme de la baguette ! Et oui, un petit écart et il suffira d’un peu d’insuline en plus pour régler le problème ! Ah comme c’est simple ce traitement ! Mais vraiment, pourquoi ne l’a-t-on pas instauré plus tôt ? 

Tout cela, je me le suis dit avant d’attaquer les injections… Ensuite, j’ai vite déchanté. 

7e mois de grossesse : l’insuline, un remède pire que le mal ?

Les hypoglycémies : il ne manquait plus que ça !

Je combine insuline rapide (NovoRapid®) et insuline lente (Levemir®) afin de stabiliser (enfin d’essayer de stabiliser…) mes glycémies sur 24 heures. J’ajuste moi-même les doses au fil des fluctuations de mes valeurs. J’ai pigé le principe, mais de la théorie aux résultats pratiques, il y a un énorme fossé. Rapidement, mes cinq prises d’insuline quotidiennes déglinguent ma courbe glycémique. 

Pour la première fois de ma vie, j’expérimente les hypoglycémies. Bizarrement, cela m’arrive après les siestes (je n’ai jamais compris pourquoi !). Les signes apparaissent de manière fulgurante. En une seconde, une vague de chaleur monte. Mon tee-shirt me colle à la peau, je sens les gouttes de sueur perler sur mon front et mon décolleté. Mes mains tremblent et j’ai terriblement faim. Ces chutes de glycémie s’accompagnent d’une chute de moral, d’un sentiment de culpabilité accru et d’une angoisse sur la santé de mon enfant. 

« Balancer le lecteur de glycémie contre le mur : fait ! »

Un samedi à 23h, après avoir, de rage, balancé mon lecteur de glycémie contre le mur de la chambre, j’envoie en catastrophe un mail à l’endocrino. Je viens de commettre une grosse erreur : pour faire remonter mon taux de glucose sanguin après une hypo, j’ai trop forcé sur les glucides au cours du repas qui a suivi et ma glycémie est remontée en flèche, mais bien trop haut… Je passe de 0,77 g/L à 1,54 g/L. Le gynéco m’a tellement mise en garde au sujet des glycémies yoyo que je panique. L’endocrinologue me répond dans les 10 minutes en me rassurant : mon diabète n’est pas déséquilibré, une chute suivie d’un pic de la glycémie ne prête pas à conséquence dès lors que ce scénario se manifeste occasionnellement. Elle m’assure que je gère très bien mon MODY 2. Encore une fois, malgré ses mots apaisants, j’ai du mal à retrouver mon calme. Souffrir d’un MODY tout en attendant un enfant, c’est fait pour les femmes patientes et positives, pas pour moi ! 

Un équilibre glycémique difficile à trouver

Au fil des jours, puis des semaines, je me rends compte de la sensibilité de mon corps à la prise d’insuline. J’anticipe de mon mieux les hypoglycémies à coups de mini-encas : un demi-kiwi par ici, une cuillère à café de compote par là, un quart de tranche de pain… Si je vais au-delà de ces quantités, je risque au contraire l’hyperglycémie. Je pensais que la prise d’insuline m’autoriserait plus de liberté et permettrait d’assouplir mon régime. Or, l’insuline exige une attention accrue des glycémies et un dosage subtil des glucides au cours de la journée (et parfois de la nuit). J’ai l’impression d’être un funambule qui tente coûte que coûte de rester en équilibre sur son fil… 

Je ne suis pas la seule à checker ma courbe glycémique… En plus de l’endocrinologue, les sages-femmes les examinent attentivement également. En effet, depuis la 26e semaine d’aménorrhée, je me rends chaque semaine à la maternité pour un monitoring. À chaque fois, je présente mon carnet de glycémie. La sage-femme prend alors son stylo rouge et souligne d’un trait vif toutes les valeurs dépassant les seuils autorisés. Je me retrouve alors dans la peau d’une mauvaise élève tendant un carnet de notes déplorable, moi qui, au fil de ces longs mois, cherche à être la première de la classe…

Une glycémie mesurée… 40 fois en 2 jours

Cette recherche – vaine – de la glycémie parfaite tourne vite à l’obsession. Bien décidée à comprendre comment mon foutu pancréas fonctionne, je prends 40 fois ma glycémie au cours d’un seul week-end. Cette stratégie extrême m’aidera par la suite à éviter de nombreuses hypoglycémies et, en effet, à mieux saisir la logique de mon organisme. Mais cela a un prix : je pense « glycémie », «diabète », « sucre » et « régime » jour et nuit. Je perds les pédales, j’en fais trop et, au final, je suis en train de passer complètement à côté de ma grossesse.

C’est au milieu du septième mois de grossesse que je donne enfin du crédit à ce que me dit et me répète l’équipe médicale : tout va bien ! En effet, l’échographie du troisième trimestre montre que mon fils a ralenti son rythme de croissance (il est descendu au 32e percentile) et de prise de poids. Je m’attendais au contraire à ce que les biométries explosent !

« La sage-femme me dit que le bébé est heureux dans mon ventre. J’en pleurerais presque… »

Le même jour, j’ai rendez-vous à la maternité pour mon monitoring hebdomadaire. Il est parfait, comme tous ceux qui l’ont précédé. La sage-femme examine le tracé et conclut : « Votre bébé est heureux dans votre ventre ». Je suis à deux doigts de pleurer. 

En véritable équilibriste, je continue à jongler avec les dosages d’insuline. J’envoie mes relevés de glycémie toutes les semaines à l’endocrino en lui faisant bien sûr part des changements que je compte opérer. Elle me laisse très autonome et valide mes choix. Les choses commencent à s’apaiser. Il est quand même temps ! Pendant quatre semaines, mes valeurs se stabilisent. Je respire et suis fière de moi. Mes efforts (tant pour suivre mon régime à la lettre que pour comprendre le fonctionnement de mon corps) paient enfin. Mon bébé va bien et j’approche doucement de l’accouchement : bientôt la délivrance (dans tous les sens du terme) !

En parallèle, l’endocrino me demande de prendre rendez-vous rapidement chez un ophtalmo pour faire pratiquer un fond d’œil. Objectif : vérifier que ma rétine va bien. « Je sais que le résultat sera normal, mais c’est le protocole », me dit-elle. Je trouve quand même cette exigence pas très nette. D’un côté, on m’explique que le MODY 2 est un diabète bénin, sans les conséquences d’un diabète de type 2 (dont les pathologies des yeux font partie) ; de l’autre, on me fait faire des examens comme s’il y avait bien un risque de complications. Bon… Bête et disciplinée, je vais passer l’examen, qui montre en effet que tout est normal.

8e mois de grossesse : la maternité, ma 2e maison

Une patiente très relou 

À 35 semaines d’aménorrhée, j’ai un ultime rendez-vous avec mon gynécologue, qui est aussi le chef de service de gynécologie obstétrique de l’hôpital. Un homme très occupé donc, mais aussi et surtout très sympa. Tout au long de ma grossesse, sa zénitude aurait dû me rassurer. Il aimait conclure ses consultations par un jovial : « Je suis au regret de vous dire que tout va bien ! » Et moi, comme une imbécile, je traduisais ces mots ainsi : « Il pense que tout va bien parce qu’il n’a pas pris le temps d’examiner mon dossier, il a plié mon cas en 10 minutes ! » 

« Quand le gynéco me fout dehors… »

À l’heure où j’écris ces lignes, alors que ma grossesse est derrière moi et que mon fils est en pleine forme, je comprends ce qu’il s’est passé : j’étais tellement stressée, j’analysais tellement dans le détail tout ce qui m’arrivait que j’en avais perdu ma lucidité. J’avais oublié qu’autour de moi, il y avait des professionnels de santé. Des professionnels, donc des gens qui connaissent leur boulot et font en sorte que les patients aillent le mieux possible… 

Bref, je reprends… Me voilà donc à 35 SA + 1 jour, dans la salle de consultation du Professeur C. Après qu’il ait checké ce qu’il avait à checker, je renfile mes vêtements et dégaine ma liste de 14 questions. À la dernière, il se lève et, du haut de son mètre 90 (à vue de nez), il me dit fermement : « Bon, il est déjà midi et il y a une dame après vous. Ce que vous me demandez là, c’est une heure de cours ! » 

Je suis triste de le quitter sur cette réprimande, car je sais que je ne le reverrai plus… 

Des consultations nécessaires avec la psychologue

Reparlons de mes glycémies… Elles recommencent à perdre toute cohérence. Il y a toutefois une différence par rapport aux mois précédents : désormais, je m’en fous. Je sais que j’accouche bientôt, l’endocrino ne cesse de me dire que mes valeurs sont bonnes, donc il serait temps que j’arrête de me prendre la tête ! Je parviens même à ne pas culpabiliser, ni à m’inquiéter, lors de l’ultime écho, à 36 SA pile. Car là, surprise : les courbes se sont envolées ! Le bébé pèse 3,050 kg, atteint le 93e percentile au niveau de la croissance et son périmètre abdominal a explosé. Je n’ai pas le temps de me demander ce que j’ai mal fait au cours du dernier mois concernant mon alimentation, ni comment les biométries ont pu changer du tout au tout en quatre semaines. En effet, juste après l’échographie, j’ai rendez-vous avec la psychologue de la maternité, que je consulte depuis un mois et demi environ. 

Ces séances me font du bien. Disposer d’un espace pour parler, sans être jugé, c’est du luxe. Je peux tout dire, la psychologue m’écoute et m’encourage. Ces consultations sont en général couplées avec le monitoring. Les salles sont dans le même couloir. Ce couloir que je connais désormais très bien car j’ai depuis peu deux monitorings par semaine. La maternité devient ma deuxième maison… Pour tout dire, je m’y sens bien, et cela me rassure dans la perspective de l’accouchement. 

L’accouchement, ce sera plus tôt que prévu !

Cet accouchement, j’espère qu’il arrivera le plus tôt possible. Ma liste de sucreries est déjà prête et l’endocrinologue m’a bien spécifié d’arrêter l’insuline et mes prises de glycémie dès la naissance du bébé. Au-delà de ces considérations purement égoïstes, je pense à mon fils et j’imagine déjà sa tête coincée dans mon bassin, tant je suis menue. Le gynécologue n’a jamais voulu entendre parler de césarienne mais moi, j’ai peur ! Il y a également ce risque de crise d’épilepsie qui continue à rôder… Et puis, bien sûr, la raison la plus évidente de vouloir accoucher, c’est le désir de rencontrer mon enfant 🙂

J’essaie d’activer la maturation du col en appliquant des recettes bien connues : ménage à fond, marche rapide, montée des escaliers plusieurs fois par jour… Mais cela ne suffit pas ! Malgré tout, les choses vont plus vite que prévu : le 17 juin, j’apprends que l’accouchement sera déclenché dans… 12 jours (à 38 SA) ! Le choc ! 

C’est à mes yeux une excellente nouvelle : avec trois semaines d’avance, mon bébé ne devrait pas être trop gros, ce qui augure d’un accouchement peut-être moins difficile que prévu. La raison du déclenchement si tôt n’a pourtant rien à voir avec ma morphologie. C’est simplement le protocole de la maternité lorsque la maman prend de l’insuline. Les biométries relevées à la dernière écho ont dû finir de convaincre l’équipe médicale…

Mes glycémies ? Je m’en fous !

Juste après l’annonce de la date, je prends ma glycémie post-prandiale : 1,70 g/L, mon deuxième record depuis que je mesure mon taux de glucose sanguin, soit depuis près de sept mois maintenant. Je ne trouve aucune explication à ce très mauvais chiffre, à moins que le pic d’excitation mêlée de stress puisse provoquer une hausse de la glycémie (cela ne m’étonnerait absolument pas). Je n’en tiens pas compte. Je décide même que dorénavant, je ne mesurerai plus mes glycémies et arrêterai de remplir mon carnet alimentaire. L’heure de la rébellion a sonné !  

J’ai d’autant moins de scrupules à le faire que mon endocrino m’a dit, après avoir analysé ma dernière échographie avec l’un de ses confrères : « On ne comprend pas. Vos glycémies sont parfaites. Ce n’est pas à cause de votre diabète que votre bébé a grandi et grossi comme ça. La seule explication que l’on voit, c’est une erreur dans la prise des mesures ». 

« Des glycémies occasionnelles à 1,40 g/L, ça passe comme une lettre à la poste. »

J’ai bien entendu : « Vos glycémies sont parfaites » ? Je me rends enfin compte que depuis de longs mois, je suis bien trop sévère avec moi-même. Toutes ces semaines passées le nez sur mon lecteur de glycémie, à limite péter un plomb dès qu’une valeur sort des seuils, à m’arracher les cheveux quand les taux montent et descendent comme des montagnes russes… Eh bien ça ne sert à rien ! Et il est quand même temps de le comprendre ! 

Je n’ai en effet jamais approché la zone de danger, quand la glycémie descend vraiment très bas puis remonte vraiment très haut ! Le gynéco, en consultant mon carnet de glycémie, conclut d’ailleurs toujours que mon diabète est équilibré, qu’il voit des femmes enceintes diabétiques avec des glycémies à 2 voir 3 g/L. Avec de tels niveaux de glucose dans le sang, c’est très clair, ça ne rigole pas. Mais des 1,40 g/L occasionnels, ça passe comme une lettre à la poste. 

9e mois de grossesse : naissance de mon fils 3 semaines avant terme

Peut-on prévoir le scénario d’un accouchement ? Non. On peut l’imaginer, mais la réalité sera quoi qu’il arrive différente. Moi, quelques jours avant la date du déclenchement, j’idéalise complètement ce moment, après l’avoir tant redouté. Je prépare ma valise comme si j’allais au Club Med : nouvelles tongs, vêtements d’été neufs, pile de revues, roman de 800 pages et même Scrabble de voyage. Les accouchements déclenchés sont longs (entre un et trois jours m’ont dit les sages-femmes), donc je prépare de quoi m’occuper, m’imaginant que je ne ressentirai aucune douleur durant la phase de maturation du col (quelle naïveté !)…

Je suis convoquée à la maternité mardi 29 juin à 8h30. 

J’accouche le lendemain soir, en n’ayant ouvert ni magazine, ni roman, ni boîte de jeu… 

Mon fils Jim naît donc le 30 juin 2021. C’est un accouchement par césarienne. Le déclenchement n’a en effet pas fonctionné (le col ne s’est pas suffisamment dilaté). Tout se déroule parfaitement bien. 

Les mensurations de Jim ne collent pas du tout avec les mesures prises lors de la dernière échographie. Il ne pèse que 3,030 kg, un poids impeccable à ce stade de la grossesse et très légèrement inférieur à celui qu’il avait supposément deux semaines plus tôt ! Les endocrinos avaient donc raison : il y avait eu une erreur de mesure lors de la dernière écho.

Diabète MODY 2 et post-partum

Pendant deux jours, les sages-femmes prélèvent régulièrement sur mon fils une goutte de sang au niveau du talon afin de mesurer sa glycémie. Toutes les valeurs sont parfaites. De mon côté, c’est la libération : je prépare un sac à donner à la pharmacie avec mes stylos d’insuline, le lecteur de glycémie, les bandelettes et les lancettes. Et bien sûr, j’avale biscuits et gâteaux en tout genre. Un vrai déluge de sucre…

« Au retour de la maternité, des nouvelles de l’endocrino (et elles sont mauvaises). »

Au retour de la maternité, ma main droite portant délicatement une boîte contenant un millefeuille et une brioche feuilletée, je relève, de la gauche, mon courrier. Il y a une lettre du service Diabétologie – Endocrinologie – Nutrition d’un hôpital où je suis allée bien trop souvent. « Pu**** mais ils me font ch*** ! Qu’est-ce qu’ils me veulent encore ! » J’ouvre immédiatement la lettre, en faisant en sorte de ne pas trop secouer mon précieux dessert. À l’intérieur : une ordonnance pour l’achat de bandelettes et de lancettes, afin de contrôler mes glycémies trois fois par semaine. Je relis. Non mais c’est une blague ? 

Je monte lentement les cinq étages me séparant de mon appartement. À chaque marche, j’entends crisser dans mon sac l’aluminium enveloppant un nombre indéterminé de KINDER® BUENO. « Ils vont quand même pas m’empêcher de manger des KINDER® BUENO, mer** ! » Je suis en colère car, en même temps que cette phrase résonne dans ma tête, tout un flot de sentiments refait son apparition et vient me percuter en pleine face, comme un boomerang : la frustration (non, apparemment, je n’ai toujours pas le droit de manger des produits sucrés), la culpabilité (je n’aurais pas dû dévorer tous ces GRANOLA® depuis mon accouchement…), le doute (mais je croyais que le MODY 2 était bénin, c’est faux ?). 

Si j’ai toujours été très sérieuse pendant ma grossesse, là, c’est terminé. Repartir sur ce schéma : lecteur de glycémie / boule au ventre dans l’attente du résultat / chiffre qui s’affiche / questionnements sans fin, c’est au-dessus de mes forces ! Très vite, mon alimentation ne ressemble plus à rien : confiseries, gâteaux, viennoiseries, glaces, combo burger / frites, pizzas, plâtrées de pâtes, plats industriels : tout y passe. Avec, toujours, ce petit sentiment de culpabilité qui me titille, mais tant pis.

« Hors de question de tenir un nouveau carnet alimentaire ! »

Je laisse passer deux mois puis, un matin au lever, je jette de nouveau un œil sur mon lecteur de glycémie, planqué au fond d’un placard. Je ressors alors tout mon attirail : bandelettes, lancettes et coton pour essuyer la goutte de sang. Je pique le bout du majeur de la main droite, doigt que je choisissais quasiment tout le temps durant ma grossesse, au point d’avoir un durillon très disgracieux. Les gestes reviennent naturellement, et puis un chiffre s’affiche : 1,17 g/L. C’est haut, plus haut que toutes mes glycémies mesurées avant ma grossesse. Rien d’étonnant vu ce que je mange depuis deux mois… Mais rien d’alarmant non plus, je reste bien en dessous du seuil critique d’1,26 g/L, qui me ferait basculer dans un diabète de type 2. Je ne note pas le résultat : hors de question de tenir à nouveau un carnet glycémique ! Je reprends ma glycémie deux jours plus tard : 1,13 g/L. 

Deux mois et demi après l’accouchement, j’ai rendez-vous avec la neurologue. Dans les couloirs de l’hôpital, je croise mon endocrinologue. Je lui dis, un peu penaude, que je n’ai pris ma glycémie que deux fois. Réponse : « Oh mais c’est très bien ! Ne vous souciez pas de votre glycémie, profitez de votre bébé ! »

C’est un soulagement et, enfin, je ne culpabilise plus du tout ! 

Depuis, je mange des pâtisseries et du chocolat sans trop me poser de questions. Par contre, je veille au quotidien à respecter certaines règles (même s’il y a quelques entorses…) :

  • je ne consomme pas de produits sucrés seuls. La part de tarte, je ne la prends pas pour le goûter mais après le déjeuner, en dessert. Le pic de glycémie est moins violent ;
  • j’essaie de limiter la baguette ;
  • je privilégie les pâtes et le riz complets ;
  • je fais simple et n’achète quasiment jamais de repas industriels.

Je revois l’endocrino en consultation mi-novembre. Mon HbA1c (hémoglobine glyquée) est à 6 % : « C’est parfait, ne changez rien ! » 

Diabète MODY 2 et grossesse : les leçons à tirer de mon expérience

Voilà, mon histoire s’arrête là ! Et c’est déjà bien long. J’espère avoir levé le voile sur le déroulement d’une grossesse lorsque l’on est atteinte d’un diabète MODY 2. Il ne s’agit que d’une expérience parmi d’autres. Chaque grossesse est différente et les praticiens n’appliquent a priori pas tous les mêmes protocoles. J’ai ainsi lu des témoignages de femmes enceintes expliquant qu’on leur avait imposé de prendre de l’insuline dès le premier trimestre. 

Au-delà du traitement et du régime, retenez une chose : si vous êtes un minimum sérieuse, tout ira bien ! Et ne commettez pas les mêmes erreurs que moi : changez-vous les idées au lieu de vous focaliser jour et nuit sur vos glycémies ! Faites confiance à l’équipe médicale au lieu de vous dire que les médecins se moquent de vos problèmes ! Bref, ne passez pas à côté de votre grossesse ! 

N’hésitez pas à me poser des questions en commentaire ou à faire part de votre propre expérience !

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