Insuline pendant la grossesse : mon expérience, entre stress intense, déceptions et délivrance

Alors oui, le titre fait peur… J’ai eu de l’insuline en fin de grossesse, très précisément pendant deux mois et dix jours, à raison de cinq injections quotidiennes en vitesse de croisière. J’ai arrêté juste avant mon accouchement, qui a été déclenché. Je suis partie à la maternité avec mes stylos d’insuline au cas où, mais ne m’en suis pas servi et personne ne m’a rien demandé… 

Mon diabète est particulier – diabète MODY 2 – mais cela ne diffère aucunement du protocole en cas de diabète gestationnel ou de tout autre type de diabète pendant la grossesse, dès lors que le régime alimentaire limité en glucides ne fonctionne plus, ou pas assez. Il faut alors venir compléter la quantité d’insuline naturellement produite par le pancréas, qui devient insuffisante.

En théorie, l’insulinothérapie doit être un soulagement pour la femme enceinte diabétique : enfin une aide extérieure pour équilibrer ces foutues glycémies ! Grâce à cette hormone se profile également à l’horizon la possibilité de manger un peu plus de produits sucrés

Sauf que… ça n’est pas du tout ce que j’ai vécu, en tout cas au début. Certes, mon type de diabète est « assez difficile à équilibrer », pour reprendre les mots de mon endocrinologue. Certes, je suis de nature stressée et un rien me suffit à monter dans les tours. Oui, mais j’étais quand même loin de m’imaginer que la mise sous insuline serait aussi énervante et frustrante. 

Il faut également savoir que l’insuline est arrivée après cinq mois d’alimentation hypoglucidique. Je me sentais usée, fatiguée par les restrictions alimentaires et cela a eu deux effets pervers : 

  • moralement, je n’étais pas prête à subir une épreuve de plus (d’autant plus que j’avais une autre pathologie à gérer : l’épilepsie) ;
  • je me disais que le traitement par insuline allait résoudre mon problème de diabète, détecté dès mon deuxième mois de grossesse, comme un coup de baguette magique. À moi les croissants et le chocolat ! J’en salivais d’avance… La chute a été rude !

Pendant cette période, j’ai tenu une sorte de journal, qui s’est très vite transformé en défouloir. J’ai hésité à le publier, mais je choisis finalement de le faire (en me limitant au premier mois sous insuline). Pour deux raisons :

  1. L’histoire se terminera très bien. Mon bébé naîtra en pleine forme, avec un poids tout à fait raisonnable et des glycémies parfaites (voir la page mon histoire pour tous les détails !)
  2. Il y a une leçon à tirer de cette expérience : cela ne sert absolument à rien de se prendre la tête, de se poser 1 000 questions, de piquer une crise parce que des taux sont mauvais alors qu’ils ne devraient pas l’être, de TOUT analyser dans les moindres détails, etc. Il faut arriver à comprendre et surtout à accepter que l’on ne peut pas tout maîtriser. 

En me lisant, vous vous rendrez très vite compte que mes glycémies sont rapidement devenues une obsession. Et vraiment, je vous mets en garde contre cela. Vous ne devez pas penser « glucides », « taux de merde » et « régime » jour et nuit. Il vous faut vivre et profiter un minimum de votre grossesse.

Mon tableau de glycémies durant ma première semaine d’insulinothérapie enceinte

Avant le récit de cette folle semaine, je vous présente d’ores et déjà les taux obtenus… Pas génial n’est-ce pas ?… Et pourtant, mon endocrino n’était absolument pas inquiète. Donc pas de panique si, vous aussi, vous ramez au début avec votre traitement par insuline lors de votre grossesse.

Avant le  petit déjeuner 2h après le début du petit déjeuner Avant le déjeuner 2h après le début du déjeuner Avant le dîner 2h après le début du dîner  
1.01 1.18  0.87  0.92 1.40 avec 4UI de rapide 
1.02 1.08 0.92 1.35 1.04 1.28 avec 6UI de rapide
0.97 1.05 0.96 1.12 0.96 1.21 avec 6UI de rapide
0.99 1.19 0.94 1.17 0.96 1.27 avec +/- 4UI de rapide
0.91 1.21 0.95 1.37 0.95 1.22 avec 7UI de rapide 
0.98 1.18 0.87 1.26 avec environ 3UI de rapide 0.97 1.06 avec 8UI de rapide
0.93 1.21 0.94 1.30 avec 6UI de rapide0.77  1.54 avec 6UI (NR) de rapide
En plus des résultats vraiment pas top avec l’insuline (un seul taux correct sur neuf !), vous voyez que mes autres valeurs (sans insuline donc) ne sont pas géniales non plus… Ce qui va me valoir par la suite encore plus d’insuline (de la lente deux fois par jour puis de la rapide pour le petit déj).

20 avril – début du 7e mois de grossesse : première injection d’insuline rapide, 4 unités à prendre juste avant le dîner

19h20. Le matériel est posé sur la table basse : stylo de NovoRapid®, deux aiguilles (j’anticipe un foirage avec la première), poubelle à aiguilles, coton au cas où je saignerais, notice. 

Je tourne autour de cette aiguille sans arriver à la prendre, elle me fait peur. Mais j’ai faim, très faim même, alors je finis par m’en saisir, m’assois et récapitule les étapes, expliquées par mon endocrinologue cet après-midi : 

  1. Purger l’aiguille en évacuant l’air du stylo. Pour cela, il faut placer le curseur sur 2 unités puis appuyer sur le bouton à l’arrière du stylo. Si des gouttes d’insuline sortent, je cite : « vous n’avez pas besoin d’essuyer l’aiguille. Au pire, un peu d’insuline se déposera sur votre peau et cela n’aura aucune conséquence. » 
  2. Choisir un endroit du corps avec de la graisse (cuisse, haut du bras, fesse) puis enfoncer l’aiguille perpendiculairement à la peau.
  3. Appuyer lentement sur le bouton poussoir pendant un total de 10 secondes (compter tout haut), puis retirer le stylo.
  4. Mettre l’aiguille usagée dans la poubelle à aiguilles donnée par le pharmacien.

Histoire d’être bien sûre de ne pas faire de conneries, j’ouvre la notice (gigantesque) délivrée avec la boîte de stylos de NovoRapid®, la déplie sur mes genoux tremblotant et lis.

Ensuite, je fais traîner, à nouveau, en tenant fébrilement le stylo dans ma main. J’ai l’impression d’être sur le plot avant de plonger, alors que je ne sais pas nager. 

19h35. C’est parti. Tremblante, je saute ! 

Eh bien à la première étape, c’est déjà la panique ! Lors de la purge, plein de gouttes sortent (la notice indique UNE goutte, pas cinq ou six !). En plus, ça pue ! Résultat : je ne sais pas quoi faire. Finalement, je ne suis pas les indications de l’endocrino : j’essuie l’aiguille. Vient ensuite l’étape fatidique : l’injection ! Et là, grosse question : où je la fais ? Cette piqûre me traumatise, j’aimerais pouvoir la faire sans rien voir. Je me dis que le mieux reste certainement le bras, comme ça je n’aurai qu’une vue de côté. L’idéal serait la fesse mais là je ne verrais rien du tout et risquerais de me rater ! Indécise, je pose délicatement le stylo et appelle ma mère (ancienne pharmacienne mais qui ne s’est jamais injectée d’insuline de sa vie…). Elle me conseille la cuisse… 

Même à 40 ans, j’écoute ma mère, alors je m’exécute. Je pars me laver les mains, reviens, m’assois devant mon entrée poireaux – œufs – vinaigrette, baisse mon pantalon et reprends mon stylo, que je pointe vers le ciel afin d’en admirer cette aiguille tellement flippante (vraiment, la scène est ridicule…). Je compte tout fort jusqu’à 15 au lieu de 10 (on n’est jamais trop prudent…). 

Voilà, c’est fait ! 

Très vite, j’imagine l’insuline parcourir mon sang et dévorer tout le glucose qui s’y trouve ! J’ai très peur de l’hypoglycémie ! C’est pour cela que j’ai fait mon injection dans la cuisine, juste devant mon plat, comme ça j’ai pu manger dès l’injection terminée, sans perdre ne serait-ce qu’une seconde ! 

Cette trouille d’une chute de glucose me pousse à manger hyper vite, et j’ajoute un peu de glucides au repas que j’ai prévu. J’essaie de me raisonner : « avec 4 UI, il y a quand même peu de risques de faire une hypoglycémie ! », mais c’est une première, je n’ai aucune expérience avec l’insuline, et puis il y a ces mots du gynéco qui résonnent dans ma tête : « le yoyo glycémique est mauvais pour le bébé. » Autre source de stress : je n’ai rien pour me resucrer rapidement si je fais une hypo (pas de jus de fruits ni de sucre).

Après le repas, je suis à l’affût du moindre signe d’hypoglycémie : fatigue soudaine, transpiration, faim intense, tremblements. Mais rien. Rien de rien.   

Deux heures après, c’est l’heure de la glycémie postprandiale. On est bien loin de l’hypo là : 1,40 g/L ! La cata ! J’envoie direct un mail à l’endocrinologue. Elle me répond le lendemain. Sa première phrase : « C’est normal de rater son premier essai, ne vous inquiétez pas ». Elle me dit de passer à 6 UI et répète qu’il ne faut pas essuyer l’aiguille après la purge. C’est vrai que je ne l’ai pas écoutée…

21 avril – 2e soir, 2e tentative d’injection de NovoRapid®, avec 6 UI cette fois

Même heure, même endroit.

L’entrée poireaux – œufs a laissé place à une énorme part d’omelette poireaux – fromage (les poireaux, je commence à saturer). La notice géante est à nouveau installée sur mes jambes nues, mais là il faut que je me dépêche sinon mon omelette va être froide ! J’enlève le capuchon du stylo sans réfléchir, réalise la purge, n’essuie pas l’aiguille malgré l’odeur très désagréable (j’ai l’impression d’avoir été télétransportée dans une étable et ne suis pas sûre que ça soit normal !). Je plante littéralement l’aiguille dans la cuisse et m’injecte les 6 unités sans broncher. Je me rhabille et attaque l’omelette. 

La perspective de l’hypo est cette fois loin de mon esprit car j’ai commencé le repas avec une glycémie préprandiale élevée (1,04 g/L), ce qui me fait d’ailleurs penser que je vais sûrement bientôt avoir de l’insuline lente en plus de l’insuline rapide. Mais c’est un autre sujet…

Je mange en essayant de ne pas trop ruminer. Deux heures après : taux à 1,28 g/L. C’est mieux mais pas top quand même. Je suis un peu découragée, tout cela me gonfle… déjà cinq mois de régime pendant cette première grossesse + une insulinothérapie que je ne maîtrise pas + six prises de glycémie par jour avec, à chaque fois, l’angoisse du chiffre qui va s’afficher : tout cela me tape sur le système.   

22 avril – 3e soir : côté insuline, ça va mieux, côté régime, ça ne va plus du tout

Ce soir, je réalise la piqûre sans problème (6 unités, comme la veille), ce qui ne m’empêche pas de me sentir complètement déprimée. Je m’installe à table. Comme les enfants devant une plâtrée de brocolis, je fais la grimace et repousse mon assiette.  

La bouffe commence vraiment à me dégoûter. J’arrive à saturation, ce diabète enceinte me tape sur le système, j’en ai ras la casquette. 

Mais bon, malgré tout, il faut bien prendre quelque chose, bébé bouge là ! Alors je me force. Je mange tous les glucides à la fin (ce soir c’est petit épeautre), car je sais que cette solution marche à tous les coups. Effectivement, à + 2 heures le résultat est meilleur : 1,21 g/L. Allez, encore un petit effort et j’espère enfin passer sous la barre des 1,20 g/L !

23 avril – 4e soir : Eh bien non, l’équilibre glycémique grâce à l’insuline, ça n’est pas encore pour aujourd’hui ! 

Journée de merde. 

Voilà ce que j’ai mangé aujourd’hui :

Petit déjeuner : 

20 g de couscous complet (poids cru) + plein de fruits à coque + huile d’olive 

Déjeuner : 

1) 1 carotte vapeur non assaisonnée 

2) 70 g de poulet + haricots verts puis flageolets 

Encas : 

1 énorme cuillère à café de purée d’oléagineux avec cacao (noix de cajou + noisettes + 4% de cacao, sans sucre ajouté) 

Dîner : 

1) 1 gros avocat dégueulasse + un petit peu de Comté + huile d’olive 

2) 70 g de poulet + légumes puis petite portion de couscous complet.

Si on résume, je n’ai rien bouffé… Mes jambes ressemblent à des baguettes, mon estomac ne me réclame plus rien. TOUT me fait horreur, même le sucré. J’aimerais ne plus entendre parler de bouffe. Et puis il y a cette odeur tenace d’insuline, j’ai l’impression de manger au milieu d’une étable. Cette odeur me colle à la peau. 

Ce soir, c’est pire que d’habitude. Je fais encore la gueule devant mon assiette, Stephen (mon conjoint) fait la gueule devant ma gueule, il est tout d’un coup dépité, désarmé, et se retrouve déprimé de ne pouvoir m’aider. Il a vraiment l’air abattu, et il s’inquiète : « Il faut quoi exactement comme chiffres ? », « C’est quoi les risques pour le bébé ? ». Nous en avons parlé 50 fois déjà, mais il a besoin de réentendre les réponses pour se rassurer. De plus, il est écossais et ne comprend pas le français, et j’avoue avoir du mal à traduire parfaitement tout ce que me disent les médecins.

Bon, c’est l’heure de l’injection. Cette insuline me tape déjà sur le système, cette odeur va finir par me faire gerber. Je n’ai pas envie de regarder l’aiguille, alors je détourne les yeux… et me foire complètement. La position de ma main a bougé et l’aiguille est ressortie avant que j’aie eu fini de piquer. Total : je ne sais pas combien d’unités j’ai mis ! J’étais censée mettre 6 UI, je table sur 4. Du coup, j’élimine une petite partie des glucides du dîner. Résultat : 1,27 g/L.

Ouais, c’est vraiment une journée de merde…

J’envoie un mail déprimant à l’endocrino : je n’en peux plus. 

24 avril – 5e soir : je mange mieux, mon moral remonte mais ma glycémie n’est toujours pas sous les 1,20 g/L malgré 7 unités d’insuline

Cette fois, je fais l’injection dans la salle de bain pour que mon dîner ne baigne pas dans l’odeur d’insuline. Pourquoi ne l’ai-je pas fait plus tôt ? Très bonne question. Le premier soir, c’est parce que je voulais manger tout de suite après, de peur que l’insuline fasse effet immédiatement et que cela conduise à une hypo (n’importe quoi ! Je suis vraiment la dernière des débiles !). Autre raison : je crois que j’avais peur d’être toute seule. Le fait d’être dans la même pièce que Stephen me rassurait. Il déteste les aiguilles et ne peut pas me regarder, donc il reste dans la cuisine où il peut s’occuper (il met la table, range les courses, etc.). Même s’il n’avait pas les yeux rivés sur ce que je faisais, je l’avais dans mon champ de vision et cela m’aidait. 

Ce soir, je sens toutefois que je peux assurer l’injection seule. Je m’efforce d’être consciencieuse, comme les deux premiers jours. Je m’injecte 7UI sur les recommandations de l’endocrino, qui m’a répondu un long mail qui me rebooste, disant entre autres : « clairement, vos efforts payent », « vos glycémies ne sont pas du tout décourageantes », « l’insuline va vous permettre de manger un peu plus comme vous voulez », « c’est normal de se sentir fatiguée par le régime ». L’idée est d’augmenter progressivement la dose. En fonction des résultats de ce soir, demain je passerai à 8UI, ou pas.

Contrairement aux deux soirs précédents, mon dîner passe tout seul. Nous sommes allés au marché ce matin et ça m’a (presque) réconciliée avec mon régime antidiabète. On a fait le plein de légumes frais, de viande de petits éleveurs du coin et de bon fromage. Et puis Stephen a fait sa super sauce tomate et on a planifié les dîners de la semaine prochaine pour éviter de se retrouver à cuire à l’arrache un œuf dur et des légumes vapeur. 

Ce soir je me suis permise un peu plus de glucides parce que je sens que mon corps en a vraiment besoin. Au menu il y a donc une pomme de terre vapeur, deux petites tranches de pain complet (que j’ai réintroduit ce midi avec bonheur, en me faisant une tartine beurrée) et des fraises. 

Résultat : 1,22 g/L.

Bon bon, c’est pas si mal vu la dose de glucides du repas…

Demain, je garderai le même dosage de glucides et passerai à 8UI, cela devrait me permettre de passer sous la barre des 1,20 g/L. 

25 avril – 6e jour : introduction de l’insuline rapide avant le repas de midi

Première injection de NovoRapid® le midi… et premier ratage ! Je ne parviens pas à stabiliser l’aiguille (pour une raison non identifiée), du coup elle bouge et ressort avant que tout le produit ait été injecté. Super !!

Je m’en sors avec une glycémie postprandiale à 1,26 g/L. Je m’attendais à pire…

Le soir, j’adopte la stratégie mise au point la veille : je passe à 8UI en gardant la même dose de glucides. Cette fois, je suis à 1,06 g/L. Et c’est un grand OUF ! 

26 avril – fin de la première semaine sous insuline pendant ma grossesse : je pète les plombs

Les montagnes russes émotionnelles se poursuivent. Aujourd’hui, j’ai failli péter mon lecteur de glycémie tellement j’étais en colère… 

Premier coup au moral : glycémie de merde après le repas de midi malgré les 6 unités. J’ai mangé une quantité tout à fait correcte de glucides, mais pas à partir du milieu du repas comme d’habitude. J’ai commencé à les manger juste après l’entrée. De plus, j’ai introduit du maïs, ce que je ne fais jamais. Et il est vrai qu’au total, j’ai moins « dilué » les glucides dans d’autres nutriments que d’habitude. Bref, score de merde, et ça me gonfle ! 

Deuxième coup au moral : je suis limite en hypo avant le dîner ! 0,77 g/L, alors que je m’attendais à une glycémie préprandiale pourrie comme je partais de haut après le déjeuner. En plus, je n’ai fait aucun effort physique : je suis restée assise tout l’après-midi !  Je ne comprends rien ! Et voilà le spectre de l’hypo qui revient me hanter ! 

Je me creuse les méninges pour tenter de trouver une explication à ce taux de 0,77 g/L avant le dîner. La seule que je peux trouver pour l’instant, c’est que mes sources de glucides de midi avait un index glycémique élevé (maïs, riz complet, et un fruit), d’où un pic de glycémie suivi d’un creux net, d’où une descente vers l’hypo. Malgré tout, le riz complet et le maïs n’ont pas un IG stratosphérique non plus. Ni le pamplemousse. De plus, du riz complet et du pamplemousse, j’en mange régulièrement, et je n’ai jamais eu ce problème. Je soupçonne donc clairement le maïs. Je fouille dans mon carnet alimentaire et la seule fois où j’ai mangé du maïs, c’était cinq mois plus tôt, au repas de midi également, et je l’avais associé à 100 g de riz blanc cuit (IG au plafond et quantité importante !) ; ma glycémie avant le dîner avait atteint 1,02 g/L. Bien loin des 0,77 g/L d’aujourd’hui !

Donc finalement non, ce n’est peut-être pas le maïs qu’il faut mettre en cause. Il ne reste plus qu’un coupable possible : l’insuline ! Elle a sûrement continué à agir jusqu’en fin d’après-midi et a fait chuter mon taux. L’endocrino m’avait d’ailleurs dit que l’insuline rapide faisait effet pendant trois à quatre heures. 

Bon, partons sur cette hypothèse. Mais maintenant, je fais quoi ? 0,77 g/L avant un repas, jamais je n’ai eu ça. Si je met mes 8UI de rapide maintenant, ça va encore descendre, même si je mange, j’en suis quasi certaine ! Seule face à moi-même (j’aurais presque aimé me faire hospitaliser tiens !), je fais défiler les questions, auxquelles j’ai du mal à trouver une réponse appropriée.

→ Combien d’unités de rapide je m’injecte ? 8UI comme la veille ? Je juge cette solution trop dangereuse. En même temps, il faut que je prenne cette foutue insuline rapide sinon je vais faire une hyper après le dîner… Bon, je pars sur 6UI. 

→ Dois-je manger des sucres rapides tout de suite (boire un jus d’orange, manger un morceau de sucre), pour contrebalancer l’insuline que je suis sur le point d’injecter ? D’un côté, si j’en mange, je suis sûre d’éviter l’hypo, de l’autre, je fonce aussi droit vers l’hyperglycémie d’après dîner. Je choisis finalement de ne pas en prendre car je ne présente aucun signe d’hypo. Je relis les notes de mon endocrino définissant l’hypoglycémie : <0,70 g/L sans signes, <0,80 g/L avec signes. Je suis à 0,77 g/L sans signes, c’est limite mais je ne suis pas en hypo, donc je n’agis pas comme si j’en avais une et laisse tomber l’option « sucres rapides ». 

→ Reste une interrogation : faut-il que je modifie en urgence mon repas ? Je me dis que j’ai intérêt à ingérer des glucides vite fait, avant que l’insuline rapide ne fasse effet et fasse encore plonger ma glycémie. Je décide donc d’attaquer le dîner avec deux tranches de pain complet et du fromage, et ensuite j’enchaîne sur ce que j’avais prévu : du chou fleur en entrée puis une soupe betterave / carottes / patate douce. À la fin du repas, j’ajoute une troisième tranche de pain complet et termine par une orange. Au total, c’est un dîner dominé par les glucides. Je contrôle ma glycémie 20 minutes après le 0,77 g/L : je suis à 0,95 g/L. Je suis un peu rassurée. Reste maintenant à croiser les doigts pour que mon dîner ne provoque pas d’hyperglycémie… 

Verdict : eh bien j’ai fait des choix de merde ! Glycémie postprandiale à 1.54 g/L. J’envoie valser le lecteur de glycémie en lançant des jurons. Je reprends mon taux 15 minutes après : 1,37 g/L. J’envoie un mail à l’endocrino pour vider mon sac. En objet, j’écris : “yoyo glycémique, chiffres incompréhensibles aujourd’hui”. Il est 22h08, mais je m’en fous ! Elle me répond 10 minutes après… Une nouvelle fois, elle me rassure : « Ne vous inquiétez pas sur un chiffre, les conséquences n’apparaissent que si cela se répète régulièrement. » « Le 0,77 g/L sans signes n’est pas à considérer comme une hypoglycémie. Vous auriez pu faire les 8UI. » « Ne vous inquiétez pas, vous allez vous améliorer sans aucun doute. »

Insuline et grossesse : une deuxième semaine avec des glycémies en montagnes russes, et un moral qui continue de flancher

Mon tableau de glycémies (encore une fois, c’est pas top mais le médecin n’est pas inquiet !)

Avant le petit déjeuner2h après le petit déjeunerAvant le déjeuner2h après le déjeunerAvant le dîner2h après le dîner
0.99 1.20 1.03 1.31 avec 6UI de rapide 0.91 1.09 avec 10UI de rapide 
0.98 1.15 1.01 1.04 avec 10UI de rapide 1.09 1.14 avec 10UI de rapide
0.95 1.15 0.96 1.33 avec 10UI de rapide1.16 1.12 avec 10UI de rapide
0.95 1.04 1.04 0.91 avec 10UI de rapide 1.05 1.14 avec 10UI de rapide
0.93 1.30 0.98 1.33 avec 10UI de rapide0.98 1.30 avec 10UI de rapide
1.01 1.38 0.98 0.98 avec 12UI de rapide1.07 1.40 avec 12UI de rapide
0.97 1.08 avec 6UI (NR) 0.89 0.96 avec 12UI de rapide1.04 0.93 avec 14UI de rapide

Mon journal « insuline enceinte » jour par jour

27 avril – 8e jour : l’endocrino m’appelle après le déjeuner et me rassure à nouveau. Elle est vraiment tranquille, visiblement pas du tout inquiète par mes taux. 

J’en conclus que je me pose trop de questions et qu’il faut que j’arrête de me prendre autant la tête !

Je joue la sécurité à midi : 6UI, avec seulement une petite tranche de pain complet et un pamplemousse pour tous glucides. Postprandial : nouvelle douche froide : 1,31 g/L ! Mais pourquoi ? Il est vrai que j’ai démarré avec une préprandiale de merde (une des rares fois où ça m’arrive avant le déjeuner) : 1,03 g/L. En partant d’aussi haut, il est peut-être assez logique que je termine haut également… Comme demandé, je lui envoie illico le chiffre et attend ses directives. 

28 avril – 9e jour : le temps passe et mes glycémies ne sont toujours pas équilibrées… Et là ça commence vraiment à être mauvais en préprandial. Cela fait plusieurs jours que je suis sur la sellette pour la glycémie du matin, et aujourd’hui je suis à nouveau au-dessus (0,98 g/L) donc je ne vais pas y couper : passage à l’insuline lente très bientôt c’est sûr ! En plus j’ai encore un taux trop élevé avant le repas de midi ! 

Je mets d’autorité 10UI pour pouvoir manger une dose correcte de glucides. Après une entrée pour le moins originale (½ steak haché + carottes), j’enchaîne avec une salade de pâtes complètes riche en légumes, puis termine par un fruit. On verra bien. Pour la première fois, je fais une injection « normale » : pas de saignement, aucune douleur, pas trop d’insuline restante sur la cuisse, bonne vitesse d’expulsion du produit. Résultat : 1,04 g/L. Top !

Enthousiasme de courte durée. La préprandiale suivante est hyper haute, alors que ma seule trouille est qu’elle soit trop basse du fait de ce 1,04 g/L. En fait, la glycémie n’a pas du tout baissé au cours de l’après-midi, je me retrouve avec une préprandiale à 1,09 g/L ! Bon ben il va falloir de l’insuline lente aussi pour le soir alors :-/

30 avril – 11e jour : je pars à la maternité juste après le repas de midi pour mon monitoring hebdomadaire. 20 bonnes minutes de marche rapide. Je prends ma glycémie postprandiale là-bas, et elle est incroyablement basse : 0,91 g/L ! Retour du spectre de l’hypo ! Du coup, j’achète un croissant en sortant de l’hôpital et en mange la moitié en marchant, sur le chemin du retour. 

Conclusion : l’activité physique fait puissamment baisser la glycémie. 

1er mai – 12e jour : bon, la seule glycémie qui a tenu à peu près la route durant toute ma grossesse – celle après le petit déjeuner – est désormais mauvaise : 1,30 g/L… Alors à midi, je veux jouer la sécurité. Je me base sur ce que j’ai mangé hier, mais en faisant moins d’effort physique (juste le ménage) pour être sûre d’être ni trop haute ni trop basse. Sauf que c’est une analyse de merde et je me retrouve avec une glycémie à 1,33 g/L après le repas. 

Franchement, j’ai envie de tout péter à la maison ! Je fais beaucoup d’efforts, je me triture la cervelle, j’essaie de comprendre, d’anticiper, de faire toujours au mieux, j’emmerde l’endocrino (j’en suis sûre) avec mes questions. Bref, je fais TOUT pour protéger mon bébé au mieux de mes capacités, et ça ne fonctionne pas. Cette putxxx de glycémie me surprend à chaque fois. 

Je suis à deux doigts de tout jeter. Sauf que non… Je ne peux évidemment pas faire un truc pareil. Alors quoi ? Comment réagir maintenant ? 

Je décide déjà d’arrêter d’essayer de TOUT analyser. Il faut que j’arrive à penser à autre chose. Probème : je suis crevée et n’arrive à rien faire. Même lire requiert une concentration que je n’ai plus depuis quelques jours. Cette fatigue est due aux mauvaises nuits qui s’accumulent depuis que je sais que je suis enceinte, plus l’usure mentale et la nervosité quotidienne dues aux problèmes de santé (épilepsie + diabète + contractions précoces + succession d’épisodes de stress en raison de prises de sang pas nettes).

J’ai réussi à travailler une dizaine d’heures pour un client cette semaine. Le reste du temps, c’est siestes et mots croisés au lit. Je n’ai pas touché à mon blog, que je compte lancer après l’accouchement. Je n’en ai même plus envie, j’ai envie de changer de sujet, de ne plus penser à rien et de bouffer ce que je veux, quand je veux. 

C’est bizarre parce qu’hier j’ai vu la psychologue de la maternité et j’étais très positive. Il est vrai que j’avais de l’énergie, j’avais bien dormi (fait extraordinaire). Putxxx de montagnes russes émotionnelles !

2 mai – 13e jour : nouvelle glycémie bien pourrie après le petit déj (1,38 g/L). Je me dis que mon bébé doit être énorme. Je le sens de manière beaucoup plus ferme et « violente » que d’habitude, j’ai l’impression qu’il me retourne les organes en bougeant et il remonte jusque sous ma poitrine. 

A midi, je m’injecte 12 UI et j’obtiens une valeur (très) basse (0,98 g/L). Je n’ai absolument pas faim et me retrouve à manger du chocolat à 90 % de cacao pour éviter tout risque d’hypo comme l’insuline doit faire encore effet pendant une à deux heures. Je reste sur quelque chose qui contient des glucides, mais très peu, pour éviter aussi une envolée de la glycémie. Puis contrôle de la glycémie 1h plus tard : 1,27 g/L. Bon ben j’ai pris trop de chocolat : 2 carrés, quasiment aucun glucide, une insuline qui fait encore effet, et bam, une valeur trop haute malgré tout ! C’est vraiment très chiant. Et maintenant j’ai les boules que la glycémie ne redescende plus car l’insuline ne va plus faire effet ! Et merde, j’ai encore fait une connerie. J’aurais dû contrôler ma glycémie 1h après le 0,98 g/L pour juger s’il était utile de manger du chocolat, et pas mangé le chocolat avant ce contrôle ! 

Le soir, je n’ai pas faim. Je repousse le dîner à 20h15 et mange peu. Je ne noie pas les glucides sous un déluge d’autres aliments. Au final, si l’apport en glucides est raisonnable (une belle portion de couscous + 3 fraises), le repas est à plus de 50 % composé de glucides. J’ai mis 12 UI, on va voir. Encore et toujours : l’incertitude. Et bam : 1,40 g/L ! 

J’envoie un mail à l’endocrino, en lui disant que je ne comprends rien à mes glycémies, que mon bébé est en train de prendre cher (sachant que le pauvre il se prend déjà dans la figure mon traitement pour l’épilepsie !) et que je culpabilise énormément.

3 mai – 14e jour : l’endocrino m’appelle. Compte-rendu de ce qu’elle me dit :

– Elle n’est pas « spécialement inquiète ». 

– Le MODY est un diabète un peu compliqué à équilibrer. 

– 1,30 g/L de manière isolée : pas grave.

– Les fluctuations sont aussi dues au lecteur car ce n’est pas un appareil parfait. Il faut regarder les tendances.

– Il me manque certainement de l’insuline lente, notamment pour éviter les hausses en fin de journée (avant le repas du soir).

– Elle préconise d’augmenter la rapide du soir.

– Elle discute de tout cela avec son collègue et me rappelle rapidement.

Expérience de l’insuline enceinte : compte-rendu des deux semaines suivantes, au terme desquelles je termine mon 7e mois de grossesse

4 mai – 15e jour : ça va mieux ! 

Le 4 mai au soir, je vais mieux : les glycémies se stabilisent (globalement) et j’obtiens de meilleurs taux en préprandial. Je me dis : « Ça y est, les choses commencent à être un peu sous contrôle ». Je suis malheureusement à 1,29 g/L le soir mais je comprends pourquoi et ça fait toute la différence ! J’ai juste mangé un petit peu plus de glucides et un petit peu moins de protéines et pensais rester en dessous du seuil, mais non… 

Je renvoie un mail à la diabéto, surtout pour lui dire que mes préprandiales sont très correctes (comme elle voulait me passer sous insuline lente). Elle me répond trois minutes après (il est alors près de 22 h) : « C’est très bien » ! Eh bien ça m’a fait du bien ! C’est idiot mais ça m’a permis d’arrêter de culpabiliser et de me dire qu’enfin, en effet, les choses semblent être un peu plus maîtrisées. Elle me dit dans la foulée qu’on refera un point dans trois jours pour statuer sur la lente (ça fait juste trois semaines que je suis en sursis sur l’insuline lente…).

5 mai – 16e jour : verdict du gynéco sur mes glycémies

Je vois le gynéco et, pour la première fois, lui remet mon carnet d’auto-surveillance glycémique. J’ai l’impression de donner mon bulletin scolaire à ma mère et d’attendre la sanction. Je ne suis vraiment pas fière, j’ose à peine le regarder. Et le voilà qui s’exclame : « Mais elles sont bien vos glycémies !!! » « Euh, pardon ? » Il doit y en avoir la moitié au-dessus des seuils !! Et là il me dit : « Il y a deux catégories de patientes, celles qui veulent être trop parfaites, et celles qui s’en foutent. Vous faites partie de la première catégorie. Ne vous inquiétez pas, vos glycémies ne sont pas du tout alarmantes. Pour moi, votre diabète est équilibré. » 

Mon bébé était au 15 avril au 93e percentile de croissance, donc ça reste clair : c’est un gros bébé… Il regarde les biométries inscrite sur le compte-rendu de l’écho et m’explique que le bébé présente la morphologie typique des bébés dont la mère est en hyperglycémie : grosse tête, poids et périmètre abdominal élevés, donc croissance globale tout en haut de la courbe. Il me demande quand même la taille du père. Je réponds : « 1,70 m ». Bon ben la conclusion est sans appel : « Là y a pas de doute, c’est l’hyperglycémie qui joue ».

Moi, je mesure 1,58 m, j’ai un bassin microscopique et j’ai peur de l’accouchement voie basse. Je lui dis : « Mais regardez moi, jamais je ne pourrai accoucher, même avec un bébé de poids plus faible ! » Pour lui, il ne faut pas se focaliser sur ce critère. J’insiste, en disant que je pensais avoir automatiquement une césarienne sachant que je suis très menue (une idée qui me rassurait énormément). Il répond, soudain très sérieux : « La césarienne est un acte de chirurgie, un acte d’urgence, pour sauver le bébé et/ou la mère ». Autrement dit : c’est une solution de dernier recours. Ce que je peux bien sûr tout à fait comprendre (même si, quand même, j’ai les boules !). 

Il m’ausculte, assez longuement pour évaluer l’espace disponible pour que le bébé puisse sortir, et lâche avec une certaine désinvolture (ce que je crois être une tentative de sa part pour me déstresser) : « Non mais là ça passe ! » Il ajoute que de toute façon on devrait me déclencher à 39 SA (ce qui m’avait déjà été dit le mois dernier) pour éviter que le bébé naisse avec un poids trop élevé. 

Il clôt la conversation par un jovial : « De toute façon, derrière la porte de la salle de naissance, il y aura le médecin avec la ventouse !!! » Je me recroqueville sur ma chaise (enfin j’essaie, pas facile avec mon énorme ventre !) en portant la main à ma bouche, paniquée ! Il me sourit et tente de me rassurer : « Non mais vraiment ne vous inquiétez pas pour votre accouchement ! » 

J’ai peur de commencer à faire des cauchemars…

7 mai – 18e jour : verdict beaucoup moins cool de la sage-femme sur mes glycémies + instauration de l’insuline lente

Les hypoglycémies tant redoutées ne sont plus très loin. Ce midi et hier midi, valeurs limites en préprandial (0,78 g/L et 0,68 g/L). Je commence à flipper, d’autant qu’aujourd’hui je dois aller à l’hôpital à pied pour le monitoring hebdomadaire et la semaine dernière cette marche avait fait chuter ma glycémie. Je prends donc 10 UI d’insuline rapide au lieu de 12. Je prends donc dans mon sac ma briquette de jus de fruits, mon matos pour mesurer la glycémie et je pars de chez moi assez inquiète. J’ai vraiment en tête le fait que les hypos sont néfastes pour le bébé, et l’idée de faire du mal à mon fils est inconcevable. 

Juste avant d’entrer dans l’hôpital, je prends ma glycémie. Je suis vraiment naze et ne sais pas si c’est dû à une hypo ou au fait que je dors très mal (je suis au radar depuis deux semaines). Verdict : 0,98 g/L. Ça me semble OK. Certes, l’insuline rapide va continuer à faire effet pendant encore deux à trois heures mais ce taux ne m’inquiète pas. Je prévois de refaire un contrôle en rentrant à la maison, donc dans pas si longtemps !  

Bon, il est temps d’aller voir la sage-femme pour le monito ! J’entre dans la salle et, très vite, je comprends que ça ne se passera pas aussi bien que d’habitude ! Le discours change, le ton se durcit. Ce n’est pas la sage femme habituelle qui s’occupe de moi aujourd’hui. Celle-ci commence par m’imposer (gentiment) de me tourner sur le côté gauche pour faire le monito. Elle me dit que c’est mieux pour le bébé car le placenta est mieux oxygéné dans cette position. J’ai l’habitude de me mettre sur le dos, je le lui dis. Elle lâche : « Non, le bébé n’aime pas trop. » Bon, première nouvelle, ça aurait été bien que je le sache avant quand même ! Quand je suis allongée, je suis tout le temps sur le dos !

Vient ensuite l’examen du carnet de glycémies. Ouh là, ça ne rigole vraiment plus ! On n’est plus du tout dans la frivolité du gynéco d’il y a deux jours ! Soucieuse, elle regarde attentivement les taux, alors que le gynéco les avait survolés. La sentence tombe : « Il faudrait vous passer sous insuline lente, vos valeurs avant les repas sont trop hautes. J’appelle le médecin. » Ce dernier confirme. Elle reprend : « Vous envoyez un mail à votre diabéto pour lui dire qu’il nous paraît important de vous mettre sous insuline lente. Vous imprimez sa réponse pour qu’on la mette au dossier, afin qu’on ait une trace de nos recommandations. » Mon imagination s’affole. Je me vois déjà au coeur d’une bataille judiciaire entre spécialistes en cas de problèmes qui surviendraient au bébé ! Charmant…

Dix minutes après cette discussion, alors que je suis encore à l’hôpital, ma diabéto m’appelle : « On vous met sous insuline lente ». La sage-femme passe, je l’arrête en m’exclament : « C’est la diabéto, c’est la diabéto, elle me passe sous insuline lente ! » Tout le monde est donc sur la même longueur d’onde, ouf ! La diabéto continue de parler, en même temps la psychologue, que je consulte depuis quelques semaines, passe dans les couleurs et me dit bonjour. La diabéto raccroche : je n’ai rien écouté de ses consignes pour la mise en place de l’insuline lente… 

Une fois la conversation terminée, la sage-femme vient me voir et me dit qu’il faut avancer le prochain monito, car avec maintenant cinq injections d’insuline, les risques d’hypoglycémie augmentent et, pour le bébé, ça n’est pas bon (une vague de stress et de culpabilité m’envahit). Il faut donc contrôler son état de santé plus souvent. On est vendredi, elle me donne rendez-vous pour le mardi suivant. 

Je quitte la maternité et et me rends à la pharmacie. La diabéto m’a envoyé par mail la nouvelle ordonnance. Me voilà avec un nouvel attirail conséquent. Je rentre, sors mes nouvelles affaires. Toute une étagère est désormais consacrée à la glycémie, avec en plus deux boîtes de stylos à insuline rangées dans le frigo. Put*** vivement que ça se termine ! 

Contrairement à ce que je croyais lorsque l’on m’a annoncé, il y a deux semaines et demi, que je passais sous insuline, à savoir que j’allais pouvoir retrouver une certaine liberté au niveau des repas puisque l’insuline viendrait m’aider à faire baisser mes glycémies, s’avère complètement faux. Ce diabète est difficile à équilibrer avec l’insuline, je ne comprends pas toujours les réactions de mon pancréas. Je peux manger la même chose deux midis de suite et obtenir deux résultats tout à fait différents, à activité physique égale. De plus, chaque ingrédient contenant des glucides agit différemment. 

Une chose qui est claire, c’est que mes besoins en insuline augmentent constamment, donc j’augmente les unités au fur et à mesure en tentant de suivre le rythme.

La deuxième chose qui est à peu près carrée, c’est la gestion du petit déj. Je prends exactement les mêmes aliments tous les jours, au gramme près (60 g de couscous complet avec de l’huile d’olive et un mélange de fruits à coque), et augmente mon insuline progressivement, au même rythme que la glycémie (quelques jours à 4 UI puis quelques jours à 6 UI, etc).

Troisième leçon à retenir : les légumineuses type pois chiches font beaucoup moins monter la glycémie que les féculents type riz complet ou pâtes complètes. Je l’avais déjà remarqué avant l’insuline mais là c’est vraiment flagrant. Les légumineuses contiennent moins de glucides que les pâtes ou le riz, donc j’en prends plus, mais mes glycémies sont quand même globalement meilleures que quand je mange une petite portion de pâtes complètes au fromage par exemple. Le pire pour moi : le pain, quel qu’il soit (aux céréales, complet, je ne parle même pas de la baguette blanche !). Je l’avais réintroduit en même temps que l’insuline et l’ai arrêté au bout d’une semaine. Le pain déglingue ma glycémie. Désormais je consomme quasiment toujours le même éventail de glucides, et je commence à peser pour avoir à peu près la même quantité chaque jour, mais encore une fois, ce n’est pas gage d’une glycémie stable et je ne sais absolument pas pourquoi…

Ce qui est crucial aussi (ça l’était aussi avant) : ne pas manger les glucides en début de repas. Il faut vraiment avoir une entrée copieuse, voire un mini plat de résistance au départ, et ingérer les glucides ensuite. 

Bon… Avec tout ça, j’ai pris du retard dans mon boulot. Pour la première fois, je suis en retard sur la livraison d’un article pour un client. Je pense honnêtement qu’il ne m’en tiendra pas rigueur car il ne m’avait pas fixé de deadline et c’est moi qui lui avais dit : « Je vous l’enverrai vendredi après-midi ». Bon, au final, je l’ai envoyé vendredi à 19h… 

Même si je ne travaille que 15h par semaine environ, cela commence à devenir difficile.

Ce soir, je suis les recommandations de la sage-femme et m’efforce de dormir sur le côté gauche, même si j’ai la sensation que mon ventre « se renverse » et que du coup ça me tire un peu. 

Je passe une mauvaise nuit. Comme d’hab, réveil à 4h du mat (endormissement vers 23h45) et je reste plusieurs heures éveillées dans le lit.  juste avant que le réveil sonne… La nouveauté, c’est que j’ai un gros mal de tête et cela vient de ma position sur le côté je pense car je n’ai mal que du côté gauche ! 

8 mai – 19e jour : première hypoglycémie pendant ma grossesse, merci l’insuline lente !

7h55 : ding dong, il est l’heure de prendre l’insuline lente !

Avec la mise en place de cette insuline lente, je mets d’emblée un rythme précis en place puisqu’il est vraiment recommandé de faire les injections à heures fixes. Donc au réveil c’est : prise de la glycémie, puis injection d’insuline lente, puis injection d’insuline rapide, puis petit déjeuner, puis glycémie postprandiale, puis glycémie de contrôle (pour anticiper une éventuelle hypo) 1h15 après. 

Verdict : 1,21 g/L en postprandiale et 0,79 g/L 1h15 plus tard. A 11h50, je reprends ma glycémie : 0,70 g/L ! Purée mais ça descend en flèche là ! C’est le troisième jour consécutif que ma glycémie chute en fin de matinée (alors qu’elle monte dangereusement en fin de journée). Je mange un demi-pamplemousse. À 12h05 : 0,72 g/L. Je mange la deuxième moitié du pamplemousse. 12h20 : 0,94 g/L. OK je note ça en préprandial dans mon carnet et j’attaque le process du midi : 12 UI d’insuline rapide (je ne diminue pas) puis repas, dont j’enlève le fruit vu que je l’ai pris juste avant. Et encore une fois, je n’ai aucune idée de ce que ça va donner en postprandiale. C’est vraiment chi*** cette incertitude constante. J’ai l’impression de faire en permanence un numéro de haute voltige.

Eh ben voilà : 0,65 g/L en postprandiale ! Je considère bien cette fois cela comme une hypo, car je suis clairement en dessous de 0,70 g/L et 0,70 g/L c’est le seuil de l’hypoglycémie, même quand il n’y a pas de signes. Résultat, je prends 150 ml de jus de fruit (consigne de la diabéto en cas d’hypo). 15 minutes plus tard : 0,64 g/L. Je finis la briquette, soit 5 cl de plus. 20 minutes plus tard : 0,95 g/L.

Je vais donc continuer les checks régulièrement, sachant que l’insuline rapide fait encore effet et que maintenant il y a la lente par-dessus ! J’ai toutefois espoir que ça se stabilise (à un niveau pas trop haut) car ma glycémie augmente naturellement en fin d’après-midi.

Verdict : 1,42 g/L à 15h40, soit 35 minutes après le 0,95 g/L ! Eh bien voilà, une fois de plus, je n’ai rien vu venir, sauf que là nous sommes dans l’enchaînement redouté : une hypo suivi d’une hyper. Et jusqu’où ça va monter maintenant ???? Je contrôlerai dans une heure. Mon bébé continue à bien bouger, j’espère qu’il va bien. Le sentir bouger me rassure… 

MAIS je culpabilise à mort ! 

Je reprends mes taux plusieurs fois :

Glycémie à 17h : 1,20 g/L

Glycémie à 18h05 : 1,15 g/L 

Glycémie à 19h05 : 0,98 g/L

Je refais une hypo à minuit : 0,58 g/L. 

Put***, je suis même pas à la fin du 7e mois de grossesse !

Du 9 mai au 19 mai – Du 20e au 30e jour d’insuline

Les prises de tête continuent. Je me dis régulièrement : « Prends du recul, ne deviens pas hystérique à la moindre valeur trop haute ou trop basse. » Mais c’est plus fort que moi : je réagis à chaud. C’est comme si je prenais une baffe à chaque glycémie en dehors des seuils, alors que je fais tout mon possible pour avoir de bonnes valeurs. J’ai l’impression d’être une élève ultra sérieuse, qui donne tout ce qu’elle a pour faire mieux, qui persévère pour avoir de bonnes notes, mais qui échoue lamentablement. 

Je sais que je suis loin de situations extrêmes, et pourtant pas si rares, de femmes qui montent régulièrement à 2 grammes ou plus, de femmes qui ne prennent carrément pas leur glycémie, de femmes qui font le yoyo constamment hypo / hyper. 

Le problème, c’est que ces glycémies sont devenues une obsession. Lorsque j’ai introduit l’insuline lente, j’ai pris ma glycémie 40 fois en un week-end. Cela m’a évité de multiples hypoglycémies et m’a permis de comprendre un peu mieux comment fonctionne mon organisme. Donc pour moi, ce n’était pas une mauvaise décision. L’endocrino par contre a trouvé cela vraiment excessif et m’a dit de me limiter aux six fois requises. Concernant les hypoglycémies, elle préconise de ne réagir que lorsque j’ai des signes. D’un côté je suis d’accord : il ne faut pas que ce foutu diabète devienne obsessionnel ; de l’autre, je trouve quand même utile d’essayer de prévenir les hypos plutôt que les subir… 

Pour essayer d’équilibrer mes taux au mieux, je décide de consommer quasiment toujours les mêmes glucides, en l’occurrence du pain complet et des fruits. Variantes que j’accepte : les pommes de terre. Je m’équilibre avec ça, car c’est des glucides que l’on mange facilement à tous les repas, contrairement aux lentilles ou au riz complet par exemple. Et le matin, je ne déroge pas à mon petit-dej qui fonctionne bien depuis des mois : couscous complet, huile d’olive, mélange de fruits à coque. Ça commence un peu à me peser, mais je tiens bon. Je profiterai de la baguette fraîche et des croissants plus tard, et ne les apprécierai que plus !

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